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Poésies de Gianni Rodari |
Une grenouille voulait être
aussi grosse que le bœuf.
Elle commence à gonfler,
gonfler, devient écarlate.
Le bœuf est épouvanté,
il a peur qu'elle n'éclate . . .
Alors, pour lui faire plaisir,
il se met à devenir,
lui,
tout petit, petit.
Je veux vous raconter l’histoire
d’un crayon-feutre facétieux
qui dessinait d’après nature
en la dénaturant un peu.
Un jour, dessinant un chien,
mine de rien il ajouta
une barbiche de chèvre
et des moustaches de chat.
Sur les arbres il mettait,
au lieu des habituels fruits,
des gâteaux, des montres suisses,
des jambons, des salamis.
Les modèles ainsi transformés
hurlaient : - Quelle extravagance !
Il n’y a dans nos portraits
pas la moindre ressemblance.
Mais le feutre répondit :
- Un peu d’imagination !
Tenez, regardez ce rat
à crinière de lion…
Les choses existant déjà
à quoi bon les dessiner ?
J’en invente de nouvelles
Bien plus drôles à regarder.
C’est difficile de faire
les choses difficiles :
parler au sourd,
montrer la rose à l’aveugle.
Enfants, apprenez
à faire les choses difficiles :
tendre la main à l’aveugle,
chanter pour le sourd,
libérer les esclaves
qui se croient libres.
Un jour un navire arriva
Plein de mots commençant par « a » :
abricot, ancêtres, avocats,
anachorètes, anacondas,
alibis, anges, angines, anguilles,
annales, anneaux, autruches, aiguilles,
arcs, arches, archiducs, avortons,
armures, armoires, accordéons,
atomes, artichauts, acrobates,
anthropophages, aristocrates,
ânes, agents, andouilles, adjuvants,
arbalètes, araignées, aimants,
âges, adages, agios, adagios,
âmes, allégories, allégros,
ailes, aigles, aiglefins, aigrefins,
ascètes, arsouilles, alexandrins,
et bien d’autres absurdités
(pouvant cacher des vérités)
dans la cale d’un navire
si plein de « a » qu’il en chavire…
Si ça vous chante continuez
avec les lettres « b » ou « c »
ou d’autres si vous préférez…
Il faut planter beaucoup de soldats
pour faire pousser un lieutenant.
Il faut planter beaucoup de lieutenants
pour faire pousser un général.
Il faut planter beaucoup de généraux
pour faire pousser plus rien du tout.
Les habitants d’une planète
où l’on n’a que le jeu en tête
ont inventé un jeu nouveau :
ils l’appellent « duel de mots ».
Un premier enfant dit un mot :
par exemple, il dit le mot « plante ».
Le second dit un autre mot :
il dit le mot « chat » par exemple.
Le troisième les met ensemble
et invente la « plante à chats ».
Pas plus difficile que ça.
Le quatrième se demande
à quoi peut servir cette plante :
la « plante à chats » produit des chats,
voyons, ce n’est pas difficile,
c’est un arbre où poussent les chats.
Le cinquième enfant, que fait-il ?
il prend son cahier et dessine
l’« arbre à chats » tel qu’il l’imagine.
Le sixième invente l’histoire
du paysan qui se croit fou
et qui prend ses jambes à son cou
en voyant des moustaches aux poires
sur un poirier qui fait miaou.
Qu’arrive-t-il après sa fuite ?
à vous d’imaginer la suite…
Vous pouvez vous aussi ensuite,
si vous aimez ce jeu nouveau
faire d’autres duels de mots.
Pour faire une table
il faut du bois,
pour faire du bois
il faut un arbre,
pour faire un arbre
il faut une graine,
pour faire une graine
il faut un fruit,
pour faire un fruit
il faut une fleur :
pour faire une table
il faut une fleur.
La pomme d’Adam
ne pousse pas sur un pommier,
la plante du pied
n’a pas besoin d’être arrosée.
La table n’a pas de souliers
et pourtant elle a quatre pieds ;
le train, lui, a une queue :
la remue-t-il ? Il ne peut.
Le clou aussi a une tête,
mais est-ce à dire qu’il raisonne ?
Il en est trop souvent de même
Pour un bon nombre de personnes.
Dans les mers de la Lune
on ne fait pas de plongeons :
pas la moindre goutte d’eau
et pas trace de poissons.
Belle mer en vérité
pour qui ne sait pas nager !
Un type vint me demander tout fier :
- Combien de fraises il pousse dans la mer ?
Du tac au tac je lui ai rétorqué :
- Autant que de sardines dans la forêt.